Musée

Deux bâtiments pour un musée

Le musée des peintres de Barbizon est installé dans deux lieux historiques : l’auberge Ganne et la maison-atelier de Théodore Rousseau.

L’auberge Ganne

De l’épicerie de village à l’auberge des peintres

Vers 1820, François Ganne, qui exerçait la profession de tailleur, et son épouse Edmée étaient établis dans cette maison. Edmée tenait un petit commerce d’épicerie qui permettait aux habitants du hameau de Barbizon, qui dépendait alors du village de Chailly-en-Bière, de s’approvisionner en quelques denrées qu’ils ne produisaient pas ou ne trouvaient pas dans les fermes environnantes.

L’arrivée des premiers peintres venus travailler « sur le motif » dans la forêt voisine va bouleverser leur existence. Sans doute à la demande des artistes, l’épicerie se transforme progressivement pour leur fournir le gîte et le couvert et va devenir rapidement leur lieu de rendez-vous le plus apprécié, attirant progressivement d’autres clients curieux de se mêler au monde des « rapins » comme on surnommait alors les artistes peintres.

À l’époque où l’auberge était en fonction, il semble que la partie qui s’élève aujourd’hui à gauche du porche n’existait pas, comme le montre une gravure d’Olivier de Penne datée de 1858. En revanche le bâtiment perpendiculaire qui s’élève dans la cour, actuellement propriété privée, faisait partie de l’auberge et était couramment appelée « maison de Corot », du nom de son plus célèbre occupant.

Au rez-de-chaussée, les salles à droite du porche, bien documentées par des descriptions anciennes, avaient la même disposition qu’aujourd’hui et étaient utilisées comme épicerie et salles à manger.

Au premier étage en revanche on ignore la disposition exacte des lieux qui servaient d’après les témoignages de l’époque de dortoirs et de chambres : la partie centrale, actuellement cloisonnée en trois parties bordées par un couloir, formait probablement à l’époque une seule grande pièce, encadrée par les deux plus petites où ont été retrouvées les traces des décors laissés par les hôtes de l’auberge.

Un long oubli et une renaissance

Le succès croissant, l’évolution de la clientèle mais aussi la concurrence d’autres établissements ouverts au fil des ans dans le village devenu célèbre conduisent la fille et le gendre des époux Ganne, Victoire et Joseph-Bernard Luniot, à abandonner l’auberge Ganne, sans doute peu avant 1870, pour ouvrir un hôtel plus confortable et plus proche de la forêt, la « Villa des artistes ».

Ils y font transporter les meubles et décors peints qui avaient largement contribué à la notoriété de l’auberge de leurs parents puis la grande maison est louée en appartements et son glorieux passé est progressivement oublié.

Lorsque vers 1930 Pierre-Léon Gauthier acquiert pour en faire son habitation les bâtiments de l’ancienne auberge Ganne, il ignore le caractère historique du lieu. Mais lorsqu’il le découvre, il a à cœur de retrouver les traces de ce passé. Il décide alors de racheter aux descendants de la famille Ganne-Luniot les meubles et décors qui avaient été transférés à la « Villa des artistes » et les replace dans les pièces du rez-de-chaussée qu’il ouvre à la visite en 1936.

Après la mort de Pierre-Léon Gauthier en 1939, ces salles seront utilisées pour un commerce d’art mais les décors du 19e siècle ne quitteront plus l’ancienne auberge, constituant ainsi le cadre du futur musée.

La maison-atelier de Théodore Rousseau

Au temps de Théodore Rousseau

C’est en 1847 que Théodore Rousseau décide de s’installer définitivement à Barbizon où il avait séjourné à plusieurs reprises dans les années 1830.

Le peintre connaît à cette époque une période difficile de son existence : ses tableaux sont refusés par le jury du Salon depuis plusieurs années et il vient de connaître une grande déception sentimentale. Le village de Barbizon lui apparaît alors comme un refuge. Il loue une petite maison en retrait de la Grande rue ainsi que la grange attenante : l’ensemble lui sert à la fois d’habitation, d’atelier et de lieu de réunion pour les amis artistes qui vivent ou séjournent dans le village ou pour les amateurs qui, de plus en plus nombreux, s’intéressent à son travail.

Alfred Sensier, l’ami et le biographe de Théodore Rousseau et de Jean-François Millet, évoque les réunions d’artistes qui se tenaient dans ce lieu : « C’était là, dans cette grange sans portes, avec ses murs de grès bâtis à la terre, que nous nous rassemblions avec Diaz, Barye, Daumier, Millet, … Diaz excitait le bon rire de Rousseau par ses caprices inattendus ; Daumier était en verve rabelaisienne, Barye pétillait de sarcasmes et d’histoires mordantes, Millet ne songeait plus à ses misères et causait de son pays normand. »

Une certaine aisance financière a permis à Rousseau de faire aménager au premier étage de la maison un véritable atelier, comme en témoigne encore la grande verrière orientée au nord qui s’ouvre dans le toit et l’ouverture verticale dans la façade qui permettait le passage des toiles de grand format sans les enlever de leur châssis.

Du temps de Rousseau, seul l’escalier de pierre extérieur, sur le pignon ouest de la maison, donnait accès à l’étage. « Rousseau jouit ainsi d’une période de plusieurs années assez “fortuné” pour transformer son toit de paille en un atelier de bois et de tuiles », témoigne à nouveau Alfred Sensier.

Au cœur de Barbizon, un lieu emblématique du « village des peintres »

Théodore Rousseau décède dans sa maison de Barbizon en 1867. Peu de temps après l’accession du hameau au statut de commune, en 1903, la grange attenante est transformée en église paroissiale et munie du porche en bois et du clocheton que l’on voit encore actuellement.

Après la Première Guerre mondiale, la placette qui sépare la maison de la Grande rue est aménagée pour y installer le monument aux morts dont la figure de Gaulois est due au sculpteur Ernest Révillon, habitant du village.

Devenue propriété de la commune, la maison de Théodore Rousseau devient le siège du musée municipal de Barbizon, d’abord de 1927 à 1930 puis de 1977 à 1995.

Depuis le transfert de la collection permanente du musée à l’auberge Ganne en 1995, l’atelier de Théodore Rousseau est utilisé alternativement pour présenter des expositions temporaires ou pour évoquer la personnalité et l’œuvre de l’ancien maître des lieux à travers un choix de peintures, d’estampes et de photographies.